Le 7 février 2023, la XIIème Chambre néerlandophone du Conseil d’Etat a rendu un arrêt intéressant en matière de renonciation à l’attribution d’un marché public (C.E., arrêt n° 255.707 du 7 février 2023, NV Indaver). En l’occurrence, la décision attaquée portait sur la renonciation de certains lots d’un marché public, justifiée par le fait que le pouvoir adjudicateur souhaitait finalement, pour des raisons économiques, gérer le marché en interne (en « régie ») ou via l’application de l’exception « in house ».

Les faits peuvent être résumés de la manière suivante. L’intercommunale Ecowerf lance un marché public portant sur des services de « traitement et logistique des déchets ménagers et encombrants », divisé en 9 lots. Toutefois, le pouvoir adjudicateur décide finalement de ne pas attribuer les lots 5, 6 et 7, considérant les offres déposées par les soumissionnaires pour ces lots trop onéreuses et que, partant, il était plus intéressant de gérer le marché en interne (en « régie ») ou de passer le marché via l’application de l’exception « in house ».

Le soumissionnaire arrivé premier au classement établi pour les lots litigieux introduit alors un recours devant le Conseil d’Etat en vue de solliciter la suspension de cette décision.

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord le contenu des articles 58, §1er, alinéa 3, et 85 de la loi du 17 juin 2016, qui permettent au pouvoir adjudicateur de renoncer à l’attribution de tout ou partie d’un marché public, selon qu’il comprenne ou non des lots distincts, et au besoin de recommencer la procédure d’une autre manière.

Il rappelle ensuite que cette décision relève du – large – pouvoir d’appréciation du pouvoir adjudicateur, dont seule l’erreur manifeste d’appréciation peut être sanctionnée, étant entendu évidemment que la décision doit comprendre une motivation suffisante et adéquate.

Tenant compte de ces précisions, le Conseil d’Etat examine alors les motifs sur lesquels se fonde la décision entreprise, à savoir le dépassement du budget disponible, le fait que le projet ne soit plus viable financièrement, la circonstance que la reprise du service en gestion propre/suivant l’application de l’exception « in house » apparaisse plus avantageuse, ainsi que, pour certains lots, le constat que seule une offre a été déposée (rendant plus difficile la vérification du caractère concurrentiel des prix remis).

Pour la haute juridiction administrative, statuant sous le bénéfice de l’urgence, de tels motifs paraissent pertinents, adéquats et permettent par ailleurs de motiver régulièrement la décision prise par le pouvoir adjudicateur.

Cet arrêt, qui confirme le principe suivant lequel le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux raisons justifiant de renoncer à l’attribution d’un marché public, donne ainsi quelques exemples supplémentaires de motifs jugés suffisants pour motiver ce type de décisions.

Pour rappel, la nécessité de corriger des erreurs contenues dans les documents de marché (C.E., arrêt n° 250.836 du 9 juin 2021, SA Group Cleaning Service) ou encore la perte d’un intérêt à passer le marché public initié compte tenu de la longueur prise par la procédure de passation (C.E., arrêt n°249.815 du 10 février 2021, Nisen), sont d’autres motifs ayant déjà été validés par le Conseil d’Etat.

Le cabinet VEGA se tient à votre disposition pour vous accompagner dans la rédaction de vos décisions d’attribution voire de non-attribution ou, plus généralement, pour toute question relative à l’application de la réglementation relative aux marchés publics.