Le 14 novembre 2022, la Cour de cassation a apporté quelques précisions à la problématique des compétences professionnelles dans le secteur de la construction.

Pour rappel, en substance, la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l’entreprise indépendante impose aux PME qui exercent une activité pour laquelle une inscription à la Banque Carrefour des Entreprises est requise, de démontrer :

• leurs connaissances de gestion de base ;

• leur compétence professionnelle.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement le secteur de la construction, l’arrêté royal du 29 janvier 2007 « relatif à la capacité professionnelle pour l’exercice des activités indépendantes dans les métiers de la construction et de l’électrotechnique ainsi que de l’entreprise générale » dresse la liste des activités règlementées pour lesquelles il doit être justifié d’un accès à la profession.

Selon la jurisprudence majoritaire, lorsque l’entrepreneur est en défaut de satisfaire, au moment de la signature du contrat d’entreprise, aux conditions d’accès à la profession pour les travaux faisant l’objet dudit contrat, celui-ci est frappé de nullité absolue.

Dans ce cas, l’annulation du contrat opère avec effet rétroactif, le juge devant replacer les parties dans la situation qui était la leur avant la signature du contrat et, partant, ordonner la restitution réciproque des prestations accomplies en exécution du contrat annulé.

Concrètement, l’entrepreneur doit rembourser les sommes reçues en exécution du contrat d’entreprise tandis que le maître de l’ouvrage doit restituer la valeur des travaux déjà exécutés, cette dernière obligation s’effectuant par équivalent.

Dans un arrêt du 14 novembre 2022, la Cour a apporté quelques précisions en la matière.

Dans son pourvoi, le demandeur en cassation soutenait que la Cour d’appel, dans la décision querellée, n’avait pas répondu à ses conclusions dans lesquelles il soutenait que l’entreprise ne comportait pas un ensemble indivisible de prestations tendant principalement à la réalisation d’un ouvrage unique, de sorte qu’il y avait lieu de dissocier les travaux pour lesquels l’entrepreneur ne disposait pas d’un accès à la profession (terrasse et soutènement) de ceux pour lesquels cet accès n’était pas nécessaire (parking), la nullité du contrat d’entreprise ne pouvant être prononcée pour le tout.

La Cour de cassation a décidé ce qui suit :

« L’arrêt considère que « le contrat d’entreprise conclu par un entrepreneur qui ne dispose pas de l’accès à la profession, conformément à la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l’entreprise indépendante : expose l’entrepreneur à des sanctions pénales, et même à la fermeture de tout ou partie de l’établissement exploité sans disposer de l’accès à la profession ; est contraire à l’ordre public, par application de l’article 6 du Code civil, et est donc frappé de nullité absolue », qu’ « il n’y a pas lieu à cette fin de dissocier les travaux pour lesquels l’entrepreneur bénéficie d’un accès à la profession de ceux pour lesquels il n’en disposait pas », que « la nullité du contrat d’entreprise doit être, même dans cette hypothèse, prononcée pour le tout » et qu’eu égard « à l’importance des travaux réalisés pour lesquels une capacité professionnelle était requise [travaux de déblais, remblais, travaux de menuiserie, travaux de gros œuvre (L en béton, égouttage, fondation de terrasse)], et aux nombreuses malfaçons patentes […], il y a lieu de condamner [le demandeur] à la restitution de la somme facturée »

Par ces motifs, qui permettent à la Cour d’exercer son contrôle de légalité, l’arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions du demandeur (…) »

L’arrêt est intéressant en ce que la Cour confirme la sanction de la nullité absolue (parfois remise en question en doctrine et en jurisprudence) et précise, plus fondamentalement, que la nullité frappe l’ensemble du contrat d’entreprise relatif à des travaux formant un tout indissociable, quand bien même l’entreprise disposerait des accès à la profession pour une partie des travaux.